Programme 1 : Laïcités, Religions et politique

Problématique

La question de la diversité religieuse et culturelle est au cœur des questionnements en cours dans l’espace public des sociétés occidentales. C’est une question qui émerge dans les années 1980 à la faveur des politiques de regroupement familial. Elle a trouvé une actualité renforcée avec les débats autour des revendications de reconnaissance portées par les musulmans et des problèmes soulevés par les vagues récentes d’immigration venues d’Afrique subsaharienne et du Machrek. Tous les acteurs publics se sont emparés de cette thématique. On pense aux acteurs politiques : le débat autour du populisme est lié, pour une part, à la question de savoir si la nation doit être homogène et ouverte. On songe aussi aux acteurs sociaux : le débat s’est noué entre les républicains et les multiculturalistes au cours des années 1970. Il continue d’alimenter la scène intellectuelle. Dans cet ensemble, les acteurs religieux exercent une place importante en travaillant le référentiel de la laïcité. On pense enfin aux acteurs juridiques : partout, les juges nationaux se sont saisis de ces questions, soit au niveau national soit au niveau international. Ces positions ont débouché sur des modifications des régimes de laïcité. Les grands organismes de recherche consacrent d’ailleurs nombre de leurs appels d’offre à cet enjeu. On l’a vu encore récemment avec les programmes ERC auxquels d’ailleurs le GSRL a candidaté. Notre but, dans le cadre de ce programme, est, comme nous l’avons fait au cours du contrat en cours mais en réorientant les axes d’approche, d’alimenter la réflexion sur ce point, en proposant plusieurs entrées, et en croisant les apports de la sociologie, du droit, de la science politique et de l’histoire. Avant de les présenter, il importe de préciser qu’en parlant de « diversité culturelle et religieuse », nous entendons interroger les relations complexes et variables entre culture et religions, sachant que les cultures nationales et régionales incorporent des dimensions religieuses et que les traditions religieuses elles-mêmes constituent des cultures se modulant de façon diversifiée selon les contextes. Si la continuité marque l’intitulé, en y adjoignant cependant, pour mieux marquer notre place dans le champ, la référence aux laïcités, nous avons fait évoluer nos champs d’investigation. Ce programme est appelé à organiser des opérations communes avec le programme n°2, comme nous l’avons précisé dans le projet général du GSRL.

Champs d’investigation

Pour donner corps à cette problématique, nous entendons ouvrir trois dossiers.

1-La question de la neutralité

Référent : Patrice Rolland C’est un élément-clé de la définition de la laïcité. Le problème est que trop souvent la notion est définie de manière un peu rapide comme abstention vis-à-vis de toute conception a priori du bien. Selon les divers contextes nationaux et locaux, la neutralité apparaît située, « colorée », plutôt exclusiviste (fonctionnant par abstention) ou plutôt inclusiviste (fonctionnant par intégration des différences). Dans le cadre de cette réflexion, nous sommes amenés à nous interroger sur le lien entre neutralité affirmée de l’État et production des valeurs. Il ne s’agit pas uniquement de penser le problème de manière théorique (à partir de la théorie politique et de la philosophie du droit), mais de prendre en compte aussi, dans leur diversité, les différents espaces nationaux. Dans cette perspective, on entend s’arrêter sur les modalités de production des valeurs par un État qui s’affirme neutre, à partir d’une sociologie des mobilisations morales (religieuses et séculières), en y adjoignant une réflexion sur le travail normatif des acteurs gouvernementaux, parlementaires et judiciaires et sur les évolutions du monde éducatif (sur lesquelles des journées d’études avec des partenaires allemands ont déjà été organisées). Nous avons d’ores et déjà posé les bases de cette réflexion en déterminant plusieurs séminaires actuellement en cours sur la question (« Droit et neutralité religieuse en France », « Droit et neutralité religieuse en Allemagne », « Neutralité, citoyenneté et École », « Neutralité et forces armées », « Les maires et la neutralité »). Tout cela suppose aussi un travail, déjà engagé du reste, sur les organisations internationales.

2-Politiques publiques en matière religieuse

Référentes : Claude Proeschel et Sylvie Toscer-Angot Cet axe est consacré aux politiques publiques en matière religieuse en Europe. Il a pour objectif de mettre en évidence différents aspects de la dimension politique du fait religieux. Il s’attache à mesurer les conséquences politico-religieuses des bouleversements géopolitiques de la dernière décennie (Printemps arabes, flux migratoires…), à appréhender la manière dont les démocraties euro-américaines font face, d’une part, aux affirmations des identités non confessionnelles dans la sphère publique et, d’autre part aux revendications croissantes de communautés de croyances, désireuses d’obtenir des droits ainsi qu’une reconnaissance institutionnelle, à étudier l’impact des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ou d’autres instances internationales à l’échelle nationale (discrimination, droits de l’homme, minorités…) sur les politiques publiques en matière religieuse. Les façons de prendre en compte les faits religieux dans les programmes et cursus scolaires ainsi que dans la vie scolaire elle-même, retiennent notre attention. La réflexion menée s’inscrit dans une perspective comparatiste. Elle s’intéresse bien sûr aux différents pays membres de l’Union européenne, mais inclut également les démocraties nord-américaines. C’est aussi dans ce cadre qu’on s’ouvre à l’espace de la francophonie, et sur un mode comparatiste, aux pays d’Amérique latine sur lesquels travaillent certains de nos doctorants.

3-Genre, religions, laïcités et sécularisation

Référente : Florence Rochefort Les problématiques autour de genre, religions, laïcités et sécularisation portent sur les interactions entre religions, laïcités et sécularisation face aux mutations de genre. On met l’accent dans ce cadre, plus particulièrement, sur les questions de droits reproductifs, de bioéthiques et des sexualités. À travers les controverses autour de la bioéthique (PMA et congélation d’ovocytes), de la transsexualité ou encore de l’éducation sexuelle à l’école, l’objectif est de cerner les positionnements et les modes de justification avancés au sein des débats publics et les modes de mobilisations. On s’interroge sur l’élaboration de différents systèmes de pensée du genre (liés au féminin et au masculin, à la féminité et la masculinité et à l’idée de construction sociale des catégories sexuées et aux normes sexuelles). Une deuxième thématique concerne les dimensions genrées des politiques publiques envers les religions et la diversité religieuse (autour du port du foulard notamment) et ce qu’elles révèlent de mutations des laïcités et de la sécularisation dans une approche qui prend en compte les dimensions post-coloniales et intersectionnelles. Une troisième thématique concerne les mutations internes aux mondes religieux face aux questions de genre (changement ou refus de changement des pratiques, des rituels, des modes d’organisation, place de la mixité, propositions de renouvellement des concepts théologiques…), avec une attention particulière portée aux groupements de femmes, aux féminismes et groupes LGBT et à leurs propositions.

Mode de fonctionnement

Le mode opératoire prévu pour cet exercice 2019-2023 s’inscrit dans une continuité avec l’exercice quinquennal précédent : il s’appuie prioritairement sur l’organisation régulière de réunions de travail. Des réunions de travail sont programmées toutes les 6-8 semaines autour d’un thème particulier de notre programme (voir les exemples infra) et permettent aussi un tour de table et un échange d’informations scientifiques. Une grande ouverture aux collègues extérieurs à notre laboratoire est évidemment pratiquée. Des journées d’études. Certaines ont déjà été programmées comme la journée autour de l’éducation civique en France et en Allemagne ou la journée autour de politique et religion fin 2017. Les réflexions menées par Valentine Zuber dans le cadre du séminaire qu’elle anime aux Bernardins sur la liberté de conscience ont vocation également à nourrir ce programme. Des opérations de recherche, sous la forme d’enquêtes, restituées à l’occasion de journées d’étude, de colloques ou sous la forme de Trois projets sont en cours de ce point de vue, qui pourraient alimenter ces opérations (ERC Gröningen, Cluster d’excellence Gottingen, Projet Hera).
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